Il y a véritablement une grande maîtrise dans l'art d'accompagner une trop grande souffrance vers une trop grande folie et d'emporter avec soi l'ensemble de ses thèmes abordés depuis plus de 30 ans.
Dans le nouveau film de Pedro Almodovar, La Piel que Habito, on retrouve la figure de la Mère - mère louve qui s'interroge sur la folie qu'elle engendre au travers de ses deux fils - mais aussi le thème du genre, le rapport au sang et à la chair.
Mais le ton se veut un peu plus grave que les derniers opus et le réalisateur semble souhaiter s'interroger sur les motivations réelles d'une certaine recherche scientifique; à n'en pas douter, dans ce futur proche qui nous est proposé, comme si tout cela pouvait très bien se passer maintenant, les raisons ne sont pas celles d'un positivisme qui fait de la science le salut de l'homme mais bien celles d'un homme devenu fou de douleur d'avoir perdu et sa femme et sa fille.
Antonio Banderas, qui campe majestueusement ce professeur cinquantenaire, ajoute une touche presque romantique par son côté beau ténébreux, peut-être eut-on trouvé le processus de re-création de la chair encore plus abjecte si un comédien un peu moins superbe dans sa plastique avait campé ce rôle.
Le film s'ouvre à travers les grilles d'une prison dorée que personne ne soupçonne et semble se dérouler comme un labyrinthe où l'ogre poursuit la proie comme pour punir cette dernière de lui avoir ôter sa fille; à cet égard on pourrait presque penser que le professeur cherchait depuis longtemps un mobile adéquat pour laisser sa lente folie trouver l'objet de sa faim.
On sent aussi ici et là les influences, emprunts ou hommages ("Vertigo" d'Hitchcock avec le thème du double et de la recherche de l'identité ajouté au trouble de l'identité sexuelle que jette le film) parfois apparaît aussi l'étrange impression de revisiter un trop grand ensemble de mythes tels ceux d'Abel et Caïn, de Pygmalion et Galatée, d'états psychologiques tel le syndrome de Stockholm cet attachement de l'otage pour son geôlier.
Ainsi le dernier film d'Almodovar, La Piel que Habito, pêche peut-être par manque de surprise et le dénouement semble aller de soi, peut-être parce que le spectateur n'a pas l'habitude de se figurer les personnages d'Almodovar comme des femmes étant des victimes.
Il n'en demeure pas moins que ce film est un très bon film, qu'il a la saveur exquise des beautés vénéneuses et sait créer un trouble infini chez le spectateur avec cette orgie de scalpel et de chair.